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Un récif de corail numérique : la simulation au service de la sauvegarde des écosystèmes marins

22 septembre 2022
Châtillon

Par Virginie Maillard, Directrice de Siemens Technology US

Lorsque l’on parle de jumeau numérique, c’est généralement dans un contexte de fabrication avancée ou de performance des produits. En effet, il sert souvent à simuler des machines industrielles, des processus ou des concepts.

Mais pourquoi ne pas l’utiliser aussi pour résoudre des problèmes environnementaux critiques et restaurer des habitats ? Ne pourrions-nous pas utiliser des données pour modéliser une approche de la restauration des écosystèmes complexes ?

C’est exactement l’objectif que Siemens s’est fixé dans le cadre de sa collaboration avec l’institut océanographique de Woods Hole (WHOI), chef de file d’un partenariat multidisciplinaire et multisectoriel financé par la National Science Foundation (NSF) et visant à développer le premier jumeau numérique de récifs coralliens afin de fournir aux parties prenantes et aux scientifiques une technologie du 21e siècle pour gérer et préserver les récifs du monde entier. Cette initiative arrive à un moment critique pour les récifs de corail, car de la Floride au Pacifique Sud ils sont confrontés à de nombreuses menaces liées au changement climatique et déclinent à un rythme inédit et effrayant. Pourtant, près d’un milliard de personnes dans le monde dépendent de ces récifs pour leur subsistance et la santé de leur communauté.

Baptisé Digital Twin Network for the Coral Reef Blue Economy, ce projet a un triple objectif : premièrement, fournir à des millions de parties prenantes dans le monde un accès universel à des données et des outils intuitifs et exploitables, via leurs ordinateurs de bureau ou portables et leurs téléphones mobiles. Deuxièmement, promouvoir la collaboration entre ces parties prenantes dans toute la zone tropicale en créant une plateforme mondiale partagée pour l’analyse et la visualisation de ces données. Troisièmement, créer un réseau mondial interconnecté de récifs numériques – c’est-à-dire une simulation complète, en temps quasi réel, de véritables récifs vivants – afin de fournir des informations permettant de soutenir les efforts de gestion, de préservation et de restauration des récifs.

Six chercheurs de Siemens Technology (cinq aux États-Unis et un en Allemagne) sont directement impliqués dans le développement de ce jumeau numérique de récif de corail.

Avec leurs partenaires de l’OMSI, de l’UCSD et de The Nature Conservancy, et avec l’aide précieuse de collaborateurs de plusieurs petits États insulaires du Pacifique, les chercheurs de Siemens ont participé à la mise au point d’un prototype de récif numérique de l’atoll de Palmyra, qui a été utilisé lors d’entretiens avec les utilisateurs pour recueillir leurs commentaires sur le contenu et la conception du modèle. À partir des résultats de simulation produits par le modèle hydrodynamique ROMS (Regional Ocean Modeling System), l’équipe de Siemens a créé des visualisations 4D réalistes du récif corallien. Ces visualisations ont servi de base pour la création du prototype. L’équipe de Siemens a également participé à des entretiens – construits d’après les commentaires des utilisateurs – avec différentes parties prenantes et de futurs utilisateurs de l’outil. Lors de la prochaine étape, les chercheurs de Siemens créeront le véritable jumeau numérique, qui comprendra quatre couches de données et plusieurs modules d’aide à la décision.

Outre Siemens et le WHOI, l’équipe du projet comprend l’ONG The Nature Conservancy, l’université de Stanford, l’institut océanographique Scripps de l’université de San Diego, l’université de Guam, le Mote Marine Laboratory, la Marshall Islands Conservation Society, la National Oceanicand Atmospheric Administration (NOAA), la National Academy of Marine Research (NAMR) de Taïwan et l’EbiilSociety de Palau. Chacun de ces partenaires fournit de nombreux chercheurs, qui aideront à réfléchir à des manières innovantes de créer des approches du réseau mondial de jumeaux numériques qui soient conviviales et qui tiennent compte des retours des utilisateurs.

Partout dans le monde, l’économie bleue a toujours un impact local : elle alimente les économies locales et régionales, elle offre des moyens de subsistance aux communautés littorales et elle influence les infrastructures côtières. Elle dépend également beaucoup de la santé des récifs de corail. Plus ses acteurs seront en mesure de communiquer en utilisant les mêmes données, le même langage visuel et le même système, mieux ils pourront gérer à long terme ces récifs.

Notre travail avec la NSF et le WHOI met en évidence les possibilités illimitées qu’offre la technologie du jumeau numérique. Le jumeau numérique de récif corallien que Siemens Technology aide à créer est conçu pour être utilisé par tous, quelles que soient les compétences techniques et les connaissances de chacun. Nous voulons que les communautés locales qui dépendent étroitement des récifs de corail aient accès à ces données et à ces simulations, car cela permettra à leurs membres de contribuer à planifier l’avenir des écosystèmes dans lesquels ils vivent et prospèrent depuis des siècles. Cette application de la technologie du jumeau numérique peut soutenir et promouvoir la gestion responsable des récifs par toutes les parties concernées.

« Ce que nous créons n’est pas simplement une représentation numérique des récifs coralliens », commente Thomas Gruenewald, chef de projet chez Siemens Technology. « C’est une plateforme qui aide les parties prenantes à élaborer et visualiser des scénarios simulés de manière à ce que toutes ces parties, des chercheurs aux pêcheurs, puissent communiquer à l’aide d’un langage visuel commun et prendre plus rapidement de meilleures décisions. »

Le projet s’étale sur deux ans, l’achèvement du prototype haute-fidélité étant prévu pour mi-2023.

Le premier jumeau numérique fonctionnel d’un récif corallien sera basé sur l’atoll de Palmyra, un territoire américain situé dans le Pacifique. Ensuite, le projet prévoit de créer des jumeaux numériques des récifs prioritaires, qui seront choisis d’après les indications de divers collaborateurs, dont des groupes de préservation et des agences gouvernementales. Lorsque l’ensemble du réseau mondial de récifs numériques sera opérationnel, il utilisera des données, intégrées en temps quasi réel, provenant de satellites, de capteurs et de technologies robotiques. Les gestionnaires de l’environnement, les communautés littorales, les pêcheurs et les chercheurs utiliseront, alors, tous les mêmes données, représentées de manière très conviviale, pour dialoguer entre eux.

« Nous pouvons, par exemple, effectuer des simulations pour l’année 2050 et montrer à l’utilisateur la différence d’aspect du récif par rapport à aujourd’hui », explique Lucia Mirabella, chercheuse chez Siemens Technology.

La National Science Foundation propose plus d’informations en ligne sur le projet Digital Twin Network for the Coral ReefBlue Economy.
Publié le 30 septembre 2022